Quand le retour est plus dur que le départ : comprendre le blues post-voyage
On parle souvent de la difficulté de partir. Quitter ses repères, affronter l’inconnu, briser ses habitudes. Pourtant, pour beaucoup de voyageurs, le plus dur commence au retour. Ce moment de flottement où l’on ne sait plus trop où est sa place, où le monde semble identique, mais où nous, on ne l’est plus. C’est là que s’installe ce qu’on appelle le syndrome de l’après-voyage.
Qu’est-ce que le syndrome de l’après-voyage ?
Il porte plusieurs noms : « post-travel blues », syndrome post-vacances, ou simplement blues du retour. C’est ce vide qui s’installe après avoir vécu un voyage intense, une aventure qui vous a nourri, secoué, transformé… et que vous laissez soudain derrière vous. Il ne s’agit pas seulement de nostalgie. C’est un véritable déséquilibre intérieur, une perte de sens parfois, un sentiment d’être ailleurs même en étant revenu chez soi.
Les manifestations du blues du retour
Elles ne sont pas toujours visibles. Parfois, elles se glissent dans le quotidien sans prévenir :
-
Un sentiment de décalage profond, comme si le monde autour de vous tournait au ralenti alors que vous venez de vivre en accéléré.
-
L’impression que personne ne peut réellement comprendre ce que vous avez traversé, ni ce que ça a éveillé en vous.
-
Une perte de repères : ce qui faisait sens avant semble soudain fade, sans saveur.
-
Un besoin presque physique de repartir, ou à l’inverse, une paralysie face à l’idée de recommencer « comme avant ».
-
Des émotions paradoxales : gratitude et vide, nostalgie et confusion, inspiration et impuissance.
-
La sensation de ne plus savoir quelle direction prendre, comme si vous étiez entre deux versions de vous-même.
Pourquoi est-ce si difficile de rentrer ?
Parce qu’on ne revient jamais tout à fait le même.
En voyage, on vit à un autre rythme. On s’autorise des choses qu’on ne s’autorise pas chez soi. On se découvre, on ose, on est parfois plus vivant, plus attentif, plus dans le présent. Le voyage ouvre. Il transforme. Il nous confronte à d’autres réalités, à d’autres visions du monde, mais aussi à nous-mêmes.
Et puis, il y a ce qu’on laisse derrière :
- Des rencontres inoubliable
- Des moments intenses
- Des prises de consciences profonde
- Des paysages à couper le souffle
- Des habitudes plus simples, plus sensées
- Vivre seulement pour l’instant présent
- Un sentiment de liberté
- Et parfois des remises à niveau sur sa propre vie, ses choix, ses désirs.
Le retour lui est souvent brutal. On atterrit dans un monde qui n’a pas bougé, alors qu’on a changé intérieurement. Et c’est là que le décalage se creuse :
- Les autres continuent leur vie comme avant. Ils parlent des mêmes sujets, ont les mêmes préoccupations, les mêmes tracas du quotidien. Rien ne semble avoir bougé pour eux. Tandis que pour vous, un monde s’est ouvert. Et ça ils ne peuvent pas toujours le comprendre et nous nous ne pouvons pas toujours l’expliquer.
- Vous vous sentez en décalage, presque étranger à votre propre quotidien. Vos centres d’intérêts ont évolué. Vos priorités aussi. Mais tout autour de vous vous ramène à l’ancienne version de vous-même.
- Vous ne savez plus très bien quoi faire ensuite. Le voyage a ébranlé des certitudes, a semé des graines de doute ou de désir. Que faire maintenant ? Repartir ? Tout changer ? Ou rester comme si de rien n’était ? C’est là que peut naître un flou existentiel.
Une réalité prise au sérieux
Des chercheurs en psychologie ont étudié ce phénomène, et l’ont assimilé à une forme de choc culturel inversé. On parle d’une « réintégration émotionnelle difficile ».. Le cerveau stimulé constamment en voyage (par les nouveautés, les surprises, l’inconnu), se retrouve soudain privé de ces stimulations. Résultat : une baisse de dopamine, une perte de repères, une sensation de platitude.
Mais au-delà de la chimie cérébrale, il y a surtout la conscience d’avoir changé. Une transformation parfois subtile, parfois profonde. Et cette transformation quand elle n’est pas partagée ou comprise peut accentuer la solitude du retour.
Comment traverser cette période ?
Il ne s’agit pas d’éviter ce syndrome, mais d’apprendre à l’apprivoiser. Voici quelques pistes pour mieux vivre le retour :
1. Reconnaître ce qu’on ressent
Ce n’est pas une faiblesse. C’est la preuve que vous avez vécu quelque chose de fort, de sincère. Le reconnaître c’est déjà sortir du malaise.
2. Prendre le temps de « revenir »
Ne sautez pas tête baissée dans vos habitudes. Offrez-vous une phase de transition. Ne prévenez pas tout le monde de votre retour, prenez le temps pour vous » d’atterir » chez vous. Triez vos photos, assimilez tout ce que vous avez vécu. Cela aide à intégrer le vécu et à prolonger le sens du voyage.
3. Parler avec ceux qui comprennent
Tout le monde ne pourra pas vous suivre. Mais d’autres voyageurs, eux sauront de quoi vous parlez. Rejoindre une communauté, échanger en ligne ou de vive voix, ça change tout.
4. Identifier ce que le voyage a révélé de vous
Est-ce un besoin de liberté ? Un rythme plus lent ? Une autre manière de vivre ? Cette étape est précieuse. Ce que vous avez ressenti là-bas peut devenir un levier de transformation ici.
5. Faire évoluer sa vie quotidienne
Et si ce que vous avez expérimenté ailleurs devenait votre nouveau standard ? Peut-on ralentir son rythme ? Changer ses habitudes de consommation ? Mettre plus de lien humain dans ses journées ? Le voyage peut laisser une empreinte durable… si on lui laisse la place.
6. Créer de la nouveauté ici aussi
Et si on explorait aussi ici ? Un café de quartier qu’on n’avait jamais remarqué, une balade hors des sentiers battus, un atelier, une rencontre locale. Le dépaysement n’est pas toujours à des milliers de kilomètres.
7. Accepter l’inconfort comme étape de transformation
Le désalignement qu’on ressent au retour n’est pas un bug. C’est le signe qu’une mue est en cours. Peut-être que vous ne savez plus très bien ce que vous voulez. Peut-être que tout vous semble fade. Ce n’est pas grave. C’est une phase de recalibrage.
Rentrer, c’est aussi grandir
On croit souvent que l’essentiel du voyage se joue « là-bas ». Mais rentrer c’est une autre forme de voyage. Plus intérieure. Plus subtile. C’est là que l’expérience devient transformation. Que l’on décide ou non, d’aligner un peu plus sa vie avec ce que l’on a ressenti.
Ce blues-là aussi inconfortable soit-il, est un moment précieux. Une passerelle entre deux versions de vous-même.
Alors la prochaine fois que vous rentrerez, ne vous dites pas que c’est « fini ». Dites-vous que c’est en train d’agir et que tout recommence.
Peut-être que comme moi, vous pensez que le plus grand voyage… commence parfois au moment où l’on rentre.
Charlotte



