Nés pour voyager
Si nous sommes plutôt ceux qui réservent toutes leurs vacances pour voyager, ou partir en bivouac à la montagne, nous avons aussi des amis pour qui le voyage et l’aventure ne sont pas du tout une source de bonheur et qui préfèrent de loin passer du temps avec leur famille et leurs amis chez eux, plutôt que de s’aventurer dans un pays inconnu ou vivre une expédition. Et c’est tout à fait acceptable. Loin de nous l’intention de juger une tendance ou l’autre, mais plutôt le désir de comprendre ce qui motive certaines personnes à partir à l’aventure.

Confession
Pendant des années, je me suis demandé si j’étais “normale”. Pendant que mes amies rêvaient de rencontrer l’homme de leur vie, vouloir déjà des enfants ou vivre uniquement des séjours “chill” parasols/cocktails, shopping/ boite de nuit et compagnie, moi je rêvais d’une seule chose : vivre la grande aventure en terre inconnue! De prendre mes chaussures de randonnée et d’explorer de nouvelles contrées. De partir dans un pays lointain rencontrer d’autres civilisations et de m’enrichir de nouvelles expériences, de m’y imprégner, de sortir de ma zone de confort en me challengeant et d’accumuler des trésors de connaissances, de poursuivre ma quête personnelle qui est tout l’inverse d’une vie fixe et dite “classique”.
Un jour une amie m’a dit : “Tu n’es jamais là ! Ne crois-tu pas que tu fuis la réalité à force de toujours être en vadrouille? Il y a sûrement des choses à guérir derrière ce besoin..”
Je lui ai répondu : “De quelle réalité parles-tu ? Je ne fuis rien en partant mais bien au contraire, je me redécouvre et retrouve ma véritable nature profonde, tout en guérissant certaines parties de moi même. C’est en restant ici que je fuis et me détourne de mon véritable moi.”
Ou un membre de ma famille qui me répétait souvent : « Il est temps de rentrer dans le moule Charlotte «
– Ok, mais lequel? Je pense que c’est propre à chacun.
Pourquoi vouloir suivre les codes de la société pour faire comme tout le monde alors qu’on peut suivre ses propres envies et se frayer un chemin bien personnel dans cet océan de possibilités ?
Téméraire, intrépide et exploratrice , voici quelques uns des qualificatifs qui me collent à la peau. Et si, finalement, tout ça était programmé au plus profond de nous ? Les scientifiques se sont penchés sur la question. Leur découverte ? Il existe un gène de l’aventure !
Qu’est-ce que le gène DRD4-7R ?
Le grand responsable de ce besoin viscéral est une variante du gène DRD4 : l’allèle DRD4-7R.
Le DRD4-7R serait porté par seulement 20 % de la population. Il a pour conséquence d’augmenter le goût pour le mouvement, la nouveauté et l’aventure. Plus concrètement, les personnes qui le possèdent ont davantage le goût du risque, une forte attirance pour la nouveauté, des capacités marquées pour la résolution de problèmes et une tolérance élevée au stress.
Ce gène est impliqué dans le contrôle de la dopamine, qui est un neurotransmetteur relâché par le cerveau et associé à la sensation de plaisir. Le cerveau la libère lorsque vous vivez une expérience jugée « agréable ».
Certaines recherches ont montré que la libération de dopamine précéderait même la dite expérience. La dopamine aurait donc un pouvoir incitatif puisqu’elle serait libérée en fonction du plaisir attendu. Elle nous motive ainsi à vivre des expériences plaisantes. C’est ce qu’on appelle la « recherche du plaisir ».
Or, les personnes qui possèdent le DRD4-7R ont besoin d’une plus grande libération de dopamine pour ressentir une sensation de plaisir équivalente à une autre personne, d’où une tendance à vouloir multiplier les expériences, à explorer l’inconnu et à prendre davantage de risques.
« Les personnes qui possèdent le DRD4-7R ont besoin d’une plus grande libération de dopamine pour ressentir une sensation de plaisir équivalente. »
ll est cependant essentiel de souligner que l’interaction de ce gène avec d’autres peut mener à des résultats variés. Posséder le DRD4-7R signifie posséder un goût prononcé pour le voyage et l’exploration, mais d’autres traits de personnalité – acquis ou innés – seront nécessaires pour favoriser le passage à l’acte. En bref : c’est une condition nécessaire mais non suffisante !
Enfin, de façon plus extrême, ce gène peut conduire aux troubles du déficit de l’attention et de l’hyperactivité , et pourrait être impliqué dans des maladies telles que la schizophrénie ou Parkinson. Il peut également favoriser les conduites addictives.

Le gène et ses origines : Un gène vieux de 50 000 ans
La reconnaissance du “gène du voyage” remonte à 1999, lorsque des chercheurs de l’UC Irvine ont découvert que les personnes porteuses du gène DRD4 avaient tendance à migrer davantage et étaient plus aventureuses que les autres. Plus précisément, ce gène était particulièrement chez les populations ayant connu de grandes vagues de migration et notamment à partir du continent africain.
Le berceau de l’humanité : l’Afrique. L’homme aurait très bien pu en rester là. Mais l’Homo Sapiens décida de braver l’inconnu, d’explorer d’autres continents et de s’installer en différents points de notre planète. Nous sommes en plein paléolithique et l’homme découvre son goût du voyage et de l’aventure !
On estime que le dernier exode hors du continent africain a eu lieu il y a 44 000 – 47 000 ans. Or, les chercheurs ont découvert que le gène DRD4-7R s’est considérablement développé dans la population à cette même époque ! Tout laisse à supposer que c’est la forte sélection de ce gène qui a non seulement permis à l’homme de survivre mais également de se lancer dans la grande conquête du monde.
Ainsi, à la base des grandes expéditions, des voyages solitaires dans les coins les plus reculés du monde se trouve une simple solution chimique.
De plus, d’autres études montrent que plus une population se trouve géographiquement éloignée de sa population parentale d’origine, plus le pourcentage de DRD4-7R était élevé. De cette façon, le pourcentage de DRD4-7R est proche de zéro pour des populations restées au même endroit au cours des 30 000 dernières années (par exemple, les Han en Chine ou les Juifs yéménites) alors qu’il atteint en moyenne 63 % dans six populations migratoires des Indiens d’Amérique du Sud.


Au-delà de l’influence génétique.
Outre le facteur génétique, il existerait un cerveau de l’aventure : les personnes en quête de sensations présenteraient une épaisseur corticale plus fine dans les régions du cerveau responsables de la prise de décisions et du contrôle de soi.
Autre bonne nouvelle : la longévité ! En effet, une étude réalisée sur un groupe de personnes âgées de plus de 90 ans a révélé que la proportion du DRD4-7R était supérieure de 66 % par rapport à un groupe de personnes âgées de 7 à 45 ans.
En bref, les personnes qui portent le DRD4-7R possèdent tout ce qu’il faut pour braver l’inconnu et ses dangers, et pour vivre plus longtemps !
Maintenant que vous connaissez les répercussions du DRD4-7R, pensez-vous le posséder ? En ce qui me concerne, c’est sans aucun doute un grand OUI !
Charlotte

RÉFÉRENCES
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